lundi 16 novembre 2015

Cyclo-cross : attention chasse gardée

En ce moment un gros débat a été initié suite aux performances de quelques VTTistes sur les cyclo-cross Auvergnats. Les courses ont vu cette année débarquer quelques coureurs non rassasiés de leur maigre saison  régionale de VTT qui ne comptait malheureusement que 3 courses (et quelques classiques). Afin de parfaire leur forme pour la saison prochaine et continuer de courir avec les magnifiques conditions climatiques du moment, ces drôles de coureur avec un guidon de 70cm et des pneus de grosses sections sont venus se mêler à la bataille sur la discipline hivernale qu'est le cyclo-cross. Malheureusement, ces méchants VTTistes ont eu la mauvaise idée de squatter quelques places sur les podiums et même parfois de remporter la victoire au nez et à la barbe des cyclo-crossmen. Retour et explications sur cette "affaire" qui commence à faire un peu de bruit au niveau régional.




Rappel des faits, chronologie :


03/10 : A Ambert, un VTT se classe 8ème, un peu dans l’anonymat.
18/10 : A Cusset, 2 VTTistes sont venus prendre les places de 3ème et 4ème derrière 2 spécialistes de la discipline. 
Suite à cette performance, les dirigeants du cyclo-cross auvergnat ont ajouté une ligne au règlement en stipulant que les VTT partiraient désormais en queue de peloton en raison de la largeur de leur guidon qui pourrait provoquer des chutes lors des départs.
24/10 : Sur le circuit d'Artonne, très défoncé, nous retrouvions 3 VTTistes sur le podium et 4 parmi les 5 premiers. Il faut préciser que ce jour là, il manquait 2 "spécialistes" auvergnats que sont Nicolas Genébrier et Cédric Miolane.
25/10 : A Sénezergues, circuit connu pour son herbe à vache, les VTT squattent le classement où très peu, voir aucun spécialiste cyclo-cross n'a fait le déplacement.
31/10 : Semaine suivante, à Perrier, plusieurs VTTistes "jouent" avec le règlement qui les autorisent à prendre le départ au guidon de leur vélo de cyclo-cross et à changer de monture en zone technique pour prendre leur VTT. Ce jour là, nous retrouvons des VTT aux places de 2, 3, 5 et 6.
01/11 : A Moulins, un VTTiste revient sur la bataille pour la place de 2 et s'envole après un superbe franchissement de planches incontestablement décisif.
11/11 : Nous voilà au jour où les critiques ont commencé à fuser : Dompierre sur Bresbe, où 2 VTT s'imposent sur ce circuit qui présentait des dévers plutôt engagés.
14/11 : A Brioude, on retrouve encore 4 VTT à l'avant.
15/11 : A Ainay le Chateau, les VTTistes (toujours les mêmes) finissent 2, 3 et 4ème, mais à la bagarre avec 2 autres cyclo-crossmen.


Les règlements :


Voilà ce que l'on trouve sur le règlement fédéral :
"Les bicyclettes  utilisées  lors  des  épreuves du calendrier  international et  fédéral  doivent répondre aux normes techniques de la réglementation UCI pour les épreuves en groupe, en ce qui concerne les roues et les additifs de guidon notamment. Le guidon plat n’est pas autorisé.
En plus de  ces  règles,  pour les épreuves du calendrier Régional, les bicyclettes de type route ou VTT sont autorisées sans autre condition (...)"

"(...) Si aucun classement n’a été publié dans la saison en cours, l’ordre de départ sera déterminé par le classement individuel cyclo-cross UCI final de la saison précédente.
Pour toutes les autres épreuves, l’ordre des départs est établi par le collège des commissaires en tenant compte  de  la  valeur  sportive  des  concurrents  engagés, en s’appuyant  sur  les classements des championnats, coupes ou challenges nationaux ou régionaux de l’année  en cours ou du résultat de l’épreuve  lors  de  la  saison précédente,  les  coureurs  restant prendront les dernières places dans l’ordre fixé par tirage au sort par le collège des commissaires."

Et l'ajout du comité régional :
"Pour faciliter l'appel des coureurs, une grille de départ a été établi pour les épreuves seniors/espoirs de cyclo-cross en fonction du niveau des coureurs et des résultats.
Attention : cette grille n'est valable que si le coureur prend le départ avec un vélo de cyclo-cross.
Tous les coureurs prenant le départ avec un VTT doivent se placer en dernière ligne."


Explication de texte :


Sur les cyclo-cross internationaux et nationaux, les guidons plats, donc les VTT, sont interdits, les largeurs de pneus sont réglementées et les additifs de guidon (type chrono ou bar ends pour les VTT) sont interdits.

Sur les cyclo-cross régionaux, les vélos de route et les VTT sont autorisés sans autre condition : on en conclut donc que l'on peut prendre le départ en vélo de route, ou bien en ce qui nous concerne, en VTT.

Le règlement définit aussi une façon de procéder à la mise en grille qui doit tenir compte de la valeur sportive des concurrents. Nul part il n'y a de distinction entre le type de vélo utilisé.
Le comité régional prend le parti d'introduire une différence entre les vélos de cyclo-cross et les VTT sous prétexte que les guidons plats et larges sont dangereux pour les départs. Mais rien n'interdit donc un départ en cyclo-cross puis un changement de vélo dès la zone technique vu que le départ est passé...


Mon avis sur tout ça :


En effet, le cyclo-cross est une discipline à part entière. 
En effet, un vélo a été conçu pour ça... avec, en 1950 le premier championnat du monde en France. ça date !
En effet, il y a des spécialistes qui misent beaucoup sur cette discipline.
En effet, il a fallu ouvrir les portes aux VTT, quand ils ont été inventés, afin d'attirer d'autres coureurs sur cette discipline qui demande un investissement financier plutôt conséquent quand on voit des coureurs avec souvent 2, voire 3 vélos pour 50min de course, et pour uniquement 3 mois par ans.

Le cyclo-cross est une discipline magnifique qui doit être respectée pour ses spécificités comme la durée des courses, le format des circuits, le type de vélo utilisé. Les compétitions nationales et internationales sont là pour ça. 
Au niveau régional, il faut ouvrir l'accès aux courses pour aider les clubs à réunir le maximum de coureur et ainsi rentrer dans leurs frais. Interdire les VTT signifierait parfois refuser un quart ou un tiers du peloton ! Ce dimanche à Dompierre, sur 17 coureurs au départ, 5 étaient en VTT, ce n'est pas rien. Une course à 12 aurait-elle été intéressante et lucrative pour le club ?

Les VTT ont été présents depuis de nombreuses années en cyclo-cross, mais jusque là très peu avaient réussi à s'imposer au guidon de ces monstres. Ainsi ils passaient totalement inaperçu, même si d'après mes informations, il y a déjà eu en 2002 un champion d'Auvergne junior de cyclo-cross (Nicolas Chadefaux) au guidon d'un VTT 26 pouces après avoir pris le départ en cyclo-cross. 
Cette année, à 4 reprises les VTTistes (en VTT) se sont imposés en Auvergne, et là on commence à déranger.


Qui sont ces "XCtra-terrestres" qui dérangent ?


Si certains ne sont pas connus dans la discipline car ils réalisent leur première saison en cyclo-cross, ils ne sortent pas de nul part. Je me permets de les citer, par ordre alphabétique :

Anthony Gauthier : moi ;). J'ai une expérience de quelques années en cyclo-cross, avec quelques places d'honneur à mon actif les saisons précédentes. Ma discipline de prédilection est bien entendu le VTT : 3ème du Championnat de France et 5ème du Mondial Master30-34 en 2015.

Nicolas Jouan : il réalise l'an dernier une saison de CX décevante, ne prenant aucun plaisir avec ce type de guidon. Cette année équipé de son VTT, il réalise de belles choses et termine second à Artonne. Nicolas est champion d'Auvergne Espoir de VTT, il représente l'avenir auvergnat compte tenu de ses performances en coupe de France Open pour sa première année dans la catégorie.

David Lacoste : surement le moins connu du groupe car David n'est que partiellement en Auvergne. C'est un gros moteur et quand il s’entraîne il est capable en quelques mois de passer de 3ème catégorie sur route à 1ère catégorie uniquement pour une sélection à une course à étapes. Le mental est la force de David qui risque sa vie dans des expéditions en Antarctique ou ailleurs dans le monde.

Nicolas Lejeune : c'est sa première saison. Nicolas termine 4ème des championnats de France Master30-34 et rentre dans les 10 au Championnat du Monde en Andorre.

Julien Toppan : comme Nicolas Lejeune, il découvre la discipline. Julien est en Elite en VTT, il termine dans le top50 en coupe de France malgré ses 32 balais. Il fait certainement parti des 5 meilleurs VTTistes de plus de 30 ans en France avec une 7ème place sur le Roc Master cette année.

Comme vous pouvez le voir, ces 5 "guguss" ne sortent pas de nul part pour venir piquer la vedette aux cyclo-crossmen. Nous avons un passé et un actif avec des résultats et 4 des 5 n'avaient encore jamais pointé leur nez dans cette discipline. On ne prend pas des gars qui terminaient 10ème pour les faire grimper sur le podium !


Le type de parcours :


Les circuits auvergnats sont souvent défoncés. Les organisateurs n'ont pas tous un parc à la pelouse parfaitement lisse à notre disposition. Il faut aussi savoir s'adapter : quand il pleut on change de pneus, certains n'ont pas les moyens d'acheter 2 paires de roues à boyaux et se contente de ce qu'ils ont. On joue donc bien sur le matériel pour l'adapter aux conditions. Cannondale vient de sortir une fourche suspendu type lefty pour ses cyclo-cross... ils travaillent donc bien sur le confort du coureur. Le mono-plateau est devenu courant et les freins à disque font aussi leur apparition pour des freinages plus performants dans toutes les conditions... le vélo et la discipline évoluent et cela fait du bien !
Certains parcours feront la part belle au VTT, d'autres aux vélos de cyclo-cross : il faut encore une fois s'adapter comme on change de cassette ou de pneu suivant le profil.


L'apport du VTT :


Le VTT est un vélo "plaisir" : guidon large, pneu large, position moins couché pour le confort. Toutes les conditions sont réunies pour que l'on se sente en confiance à son guidon. Lâcher les freins est son dada.
Le vélo de cyclo-cross : c'est un vélo de route auquel nous avons mis des petits pneus à crampons car les grosses sections ne passaient pas dans le cadre ! Je rigole parfois en disant que c'est une erreur de la nature, et comme une bête à 2 têtes, elle n'est pas faite pour survivre (à prendre sur un ton humoristique).

Petites questions : durant l'année, pour vous balader, pour vous entraîner, pour aller chercher le pain, utilisez vous un vélo de cyclo-cross ? Non ! Simplement parce que c'est contre-nature et anti-plaisir ! On ne va pas dans les chemins en cyclo-cross, tout comme on ne va pas dans les chemins en vélo de route. Pour cela, le "gravel" vient d'être inventé : c'est un vélo de route qui autorise une section de pneu de la largeur d'un VTT.

Pour moi, monter sur mon VTT est un pur plaisir car c'est à son guidon que je me sens le mieux. Je suis à l'aise, la confiance est à son maximum et je suis donc remonté à bloc pour la bagarre. N'étant pas un "routier" dans l'âme, il m'est difficile d'exploiter les capacités de rendement de ce type de vélo et de le manier dans les virages comme je le ferai avec mon VTT. 
Un "routier" sera quant à lui bien plus à l'aise sur un cyclo-cross sur lequel il retrouve ses marques que sur un VTT qu'il a peu l'habitude de mener à vive allure dans les portions tout-terrains.
C'est donc une question de feeling et de plaisir avant tout !

Oui le VTT avec ses pneus larges autorisent une meilleur confort et une meilleure tenue en devers. Mais les boyaux ne sont-ils pas plus performant en grip avec leur étroitesse qui permet de trouver du grip en profondeur alors que le VTT "surfera" en surface ?
Oui le guidon large permet de bons appuis dans les virages et une plus grande précision de pilotage : alors pourquoi en route les gars n'optent pas pour des cintres plus large que du 40-42 ? Parce qu'il pense aéro-dynamisme plutôt que confort et pilotage... chose bien plus importante en cyclo-cross que la notion de "Cx" justement, lisez par là "coefficient de traînée".
Un vélo de cyclo-cross a une masse bien plus restreinte au niveau des roues avec des pneus/boyaux facilement 100-200gr plus légers que les pneus de VTT. Ainsi les capacités d'accélération ne sont-elles pas supérieures ?

En conclusion je dirai que chaque personne trouve son plaisir sur un type de vélo, et du plaisir naît la performance ! 
Chaque vélo a ses atouts, il faut savoir les exploités et en profiter pleinement
A vous de savoir sur quel vélo vous serez à votre avantage et choisissez ainsi votre monture !


Conclusion :


Je comprends que certains veulent garder l'originalité de la discipline, à savoir son vélo si particulier, presque contre-nature pour rouler vite dans des portions défoncées. Malgré tout, il faut savoir se remettre aussi en question et accepter le challenge quand les règlements les autorisent. 
Aux organisateurs de proposer des circuits plus typés cyclo-cross comme il en existe dans d'autres comités. 
Aux instances de prendre les bonnes décisions pour adapter les règlements sans faire peur ou perdre de coureur. Nous ne faisons qu'appliquer le règlement qui est en cours et nous sommes tous guidés par le plaisir de rouler plutôt que par le gain pécuniaire attribué aux coureurs selon leur classement... et justement, c'est peut être là le nerf de la guerre... l'argent !


Les avis sont partagés. Nous avons reçu ces derniers jours beaucoup de témoignages suite à des attaques plutôt directes sur les réseaux sociaux visant à dénoncer cet apport du type de vélo utilisé. Je remercie ces personnes qui ont une ouverture d'esprit assez grande pour comprendre que nous ne faisons que respecter les règlements... et d'après eux, peut-être que nous apportons finalement quelque chose à la discipline en Auvergne avec une revalorisation des forces en présence ?

J'ai oublié un détail dans mon article : à Dompierre, j'ai vu un grand Monsieur passer bien plus vite qu'aucun VTTiste n'aurait pu le faire dans les devers. Ce Monsieur s'appelle Romain Fondard, et si vous l'aviez vu passer, vous n'auriez jamais crié au loup que le VTT était supérieur au cyclo-cross : à cet instant précis, c'était bien le coureur qui faisait la différence. Et quelle différence ! Chapeau Monsieur.


Mise à jour du 25/11 : 

Suite à la réunion du 23 novembre 2015, le Comité Directeur du Comité Régional Cycliste Auvergne a pris les décisions suivantes :
- Pour les Championnats d'Auvergne de Cyclo-cross du 6 décembre 2015 à Châtel-Guyon, l'utilisation de VTT n'est pas autorisé à partir de la catégorie cadet.
- A partir du 13 décembre 2015 pour les épreuves du Calendrier Régional Cycliste Auvergne, le changement de vélo ne sera autorisé qu'avec un vélo de même type. Un coureur partant avec un vélo de Cyclo-cross ne pourra pas prendre un VTT au poste de dépannage, et inversement. Les autres points du règlement sont inchangés, en particulier, pour le départ, les coureurs utilisant un VTT seront placés derrière les coureurs utilisant un vélo de cyclo-cross.
Le Comité Directeur du CRCA



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